Le Haut conseil pour le climat publie un avis relatif à la modernisation du Traité sur la Charte de l’Energie
Le Haut conseil pour le climat a publié le 19 octobre 2022 un avis relatif à la modernisation du Traité sur la Charte de l’Energie, dans le cadre de son auto-saisine.
Le Traité sur la Charte de l’Énergie (TCE) est un accord international de commerce et d’investissement visant à promouvoir la coopération dans le secteur de l’énergie. Il a été signé par la France en 1994 puis ratifié en 1999.
Le TCE accorde une protection juridique aux investissements énergétiques via un mécanisme de règlement des différends, dont les conséquences en matière de contentieux pour les parties signataires sont entre autres à l’origine d’un processus de modernisation engagé en 2017.
La modernisation du TCE, qui s’est conclue le 23 juin 2022 après quinze cycles de négociations, doit faire l’objet d’un accord final lors de la prochaine Conférence sur la Charte de l’énergie le 22 novembre 2022.
Les amendements proposés pourraient constituer une avancée pour les États membres s’ils étaient adoptés et ratifiés, mais ne sont pas à la hauteur de l’ambition climatique de la France et de ses engagements internationaux sur le climat.
Dans le cadre de son auto-saisine au titre de la modernisation du Traité sur la Charte de l’Énergie, le Haut conseil pour le climat :
1. Parvient à la conclusion que le TCE, y compris dans une forme modernisée, n’est pas compatible avec le rythme de décarbonation du secteur de l’énergie et l’intensité des efforts de réduction d’émissions nécessaires pour le secteur à l’horizon 2030, comme rappelé par l’AIE et évalué par le GIEC. En particulier avant l’entrée en vigueur éventuelle de l’accord de modernisation, les délais de ratification nécessaires risquent de prolonger les dispositions actuelles du TCE et sa clause de survie bien au-delà de sa durée réduite à 10 ans par le nouveau mécanisme de flexibilité proposé.
2. Souligne que les risques de contentieux induits par le mécanisme de règlement des différends du TCE peuvent constituer une entrave pour les États dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques de décarbonation nécessaires à court terme.
3. Conclut que le retrait coordonné du TCE par la France et les États membres de l’UE apparaît comme l’option la moins risquée pour permettre l’atteinte des objectifs climatiques et le respect des rythmes de décarbonation nécessaires à l’horizon 2030, car c’est la seule option garantissant la fin des protections octroyées aux nouveaux investissements fossiles dès la date d’effet de ce retrait (un an après sa notification à la Conférence sur la Charte de l’énergie). Pour être compatible avec les calendriers de décarbonation induits par l’Accord de Paris et restaurer la souveraineté des politiques énergétiques et climatiques des parties signataires concernées, un retrait coordonné doit être couplé à une neutralisation de protection des investissements couverts par le TCE, dite « clause de survie ».
4. Conclut qu’en parallèle d’un retrait coordonné du Traité, qui doit demeurer la finalité à poursuivre pour l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, les amendements proposés représentent des avancées en comparaison des dispositions actuelles du TCE.
5. Recommande de soutenir la proposition de la Commission européenne visant à réaffirmer la non-applicabilité du TCE au sein de l’UE, et a fortiori à neutraliser la « clause de survie » entre les États membres, sous la forme d’un accord ultérieur tel que mentionné dans la communication du 6 octobre 2022. Un tel accord d’interprétation du Traité sur la Charte de l’Énergie permettrait de réaffirmer la primauté des juridictions européennes et nationales des États membres sur les juridictions arbitrales internationales.
6. Recommande au Gouvernement, indépendamment de l’issue des négociations en cours, d’engager sans délai les démarches visant à neutraliser la « clause de survie » du TCE, dans le cadre de la proposition d’accord ultérieur de la Commission, et de proposer d’étendre cette neutralisation au-delà de l’UE auprès des autres parties contractantes concernées.
7. Recommande au Gouvernement d’intégrer pleinement les conséquences actuelles du TCE ainsi que l’objectif de retrait du TCE dans ses réflexions en cours au titre de l’élaboration de la Stratégie française énergie climat.